‘Allaiter un bambin’- Dr Jack Newman

traduction de l’anglais avec l’autorisation du Dr Newman

le post original se trouve ici http://ibconline.ca/toddler/

 

Allaiter un bambin

Ce ne sont pas les avis qui manque sur les bambins allaités. « S’il est assez grand pour réclamer le sein, il est trop grand. » « S’il a des dents, c’est que c’est temps d’arrêter. » Et fréquemment « Allaiter un bambin d’un an ? C’est dégoûtant. » et même les professionnels de la santé jouent le jeu. Pour reprendre les mots d’un pédopsychiatre français cité par Le Soir, un journal belge francophone, du 29 novembre, 2002 : « Le sein ne se partage pas, allaiter après 7 mois est sans aucun doute un abus sexuel. »

Comment les personnes qui tiennent de tels propos en sont arrivés à penser ainsi ? Allaiter un bambin a été la norme dans la plus grande partie du monde jusqu’à très récemment.

« la veille au soir de la Saint-Pierre-ès-Liens elle aura quatorze ans ;

elle les aura, ma parole. Je m’en souviens bien.

Il y a maintenant onze ans du tremblement de terre ;

et elle fut sevrée, je ne l’oublierai jamais,

entre tous les jours de l’année, précisément ce jour-là ; »

William Shakespeare. Romeo and Juliet. Acte I, Scène 3 (Juliette avait 3 ans quand elle fut sevrée). Oui, et voyez ce qu’elle est devenue !

 

– Et toi, as-tu des enfants ?

– J’en ai eu quatre : il m’en

reste deux, fille et garçon. J’ai

sevré le dernier avant le carême.

– Quel âge a-t-il ?

– Il est dans sa deuxième année.

– Pourquoi l’as-tu nourri si longtemps ?

– C’est l’usage chez nous : trois carêmes. »

Leo Tolstoy. Anna Karenina

 

(non traduite)

“Only seldom was a whimper heard from one of the four children, all of whom, from the six-month-old infant to the six-year-old Amanda, were fed from Louise’s breast.

“Never again, never in the future that dawned later on, were we so sated. We were suckled and suckled. Always superabundance was flowing into us. Never any question of enough is enough or let’s not overdo it. Never were we given a pacifier and told to be reasonable. It was always suckling time.
“There must be reasons why we men are so hipped on breasts as if we’d all been weaned too soon.”

Günter Grass. The Flounder

 

Un bambin allaité dans un train. Une chose parfaitement normale.

Un bambin allaité dans un espace public sans et personne ne s’énerve.

Pourquoi est-ce que les personnes qui disent des choses telles que ‘S’il est assez grand pour demander…’ se sentent concernées ?

Est-ce leur affaire ? Malgré ce que les gens pourraient dire, en m’accusant de vouloir rabaisser les mères qui n’allaitent pas (je ne le fais pas), alpaguer les mères qui donnent des biberons dans les centres commerciaux (je ne le fais pas), dire à mes patients à l’International Breastfeeding Centre que la préparation commerciale pour nourrisson est du poison (je ne le fais pas), pourquoi les gens ne peuvent-ils donc pas la boucler au sujet des mères qui allaitent un bambin ?

Voici mes hypothèses sur pourquoi tellement de monde se sent concerné 

Premièrement, parce que dans nos sociétés, les seins sont considérés uniquement comme des objets sexuels. Et bien sûr, les seins ont un rôle érotique. Mais c’est également le cas de la bouche, mais alors, devrions-nous couvrir notre bouche en public parce que la bouche a un rôle érotique également ? On accepte le fait que la bouche sert à la fois à manger et qu’elle a aussi un aspect sexuel. Mais on ne semble pas capable d’accepter que le sein ne soit pas uniquement sexuel.

Par conséquent, on accepte, à contre-coeur, qu’un bébé soit allaité, mais un bambin ? C’est un peu trop perturbant. C’est comme avoir des relations sexuelles avec des enfants. Et c’est de là que viennent les commentaires dans le premier paragraphe, le dégoût à l’idée d’avoir des relations sexuelles avec des enfants.

Freud a contribué à la propagation de l’idée selon laquelle allaiter un bambin est quelque part anormal. Freud était persuadé que les enfants traversaient plusieurs stades, de 0 à 1 an, le stade oral, suivi par le stade anal. Il croyait, sans aucune preuve tangible, que l’on ne peut pas être à deux stades différents en même temps, et que c’est un signe de ‘sous-développement’ si un enfant montre des signes qu’il est toujours au stade oral après 1 an. En d’autres mots, toujours allaité. Les psychiatres sont au courant de cela car ils étudient Freud, mais le reste d’entre nous avons oublié que ce mode de pensée existe bien qu’il soit inscrit dans l’inconscient collectif.

Eh bien, il est normal d’allaiter après un an, c’est normal d’allaiter jusqu’à ce que l’enfant soit capable de le demander et même de dire à quel point il ou elle aime ça, ce n’est pas dégoûtant. La seule chose dégoûtante là-dedans est la réaction de beaucoup de gens qui pensent qu’allaiter un bambin est dégoûtant.

 

Beaucoup de docteurs (et nutritionnistes) pensent qu’il n’y a aucun apport dans le lait maternel après un an (certains disent 6 mois) 

S’il n’y a aucun apport dans le lait maternel après un an, alors pourquoi donc allaiter ? Et on fait des reproches à la mère. « Elle le fait pour elle », pour empêcher son bébé de grandir, garder son enfant un bébé, et de manière surprenante, elle en obtient un plaisir sexuel.  

Le fait est qu’allaiter est bien plus que du lait maternel. C’est une relation, intime, physique, affective entre deux personnes qui s’aiment.

Bien qu’il y ait des tonnes des preuves que le lait maternel contient toujours des protéines, du gras, des carbohydrates après 1 an, 3 ans et encore après, beaucoup de docteurs et nutritionnistes continuent de penser que le lait maternel ne contient rien à partir d’un certain moment après la naissance.

De plus, après un an, le lait maternel contient toujours les acides gras poly-insaturés que les industries des préparations commerciales pour nourrisson aiment laisser penser qu’elles les ont inventées. Les anticorps et les multiples autres facteurs immunitaires qui aident à résister aux infections sont toujours là, certains même en plus grand quantité que durant les premiers mois après la naissance. Les différents facteurs trophiques (facteurs qui stimulent le développement de différents systèmes d’organes) sont toujours présents dans le lait maternel. Les facteurs trophiques présents dans le lait maternel aident à la maturation du cerveau, du système digestif, du système immunitaire, ainsi que d’autres organes. Le lait maternel contient toujours des cellules souches, des alpha lactalbumines qui, quand exposées aux acides digestifs se transforment en HAMLET (human alpha lactalbumine – qui détruit les cellules cancéreuses) et tellement plus encore.

 

Comment les docteurs arrivent-ils à la conclusion qu’il n’y a aucun apport dans le lait maternel après un an ? Je peux seulement faire une hypothèse, mais je pense que celle-ci n’est non pas sans fondement.

Il n’est pas rare que certains grands bébés et bambins passent de longues périodes au sein et ne prennent cependant pas de poids. Cela arrive, souvent, parce que la mère aura eu une baisse importante de la lactation. Le bébé qui tète n’obtient pas beaucoup de lait. La majorité des professionnels de la santé ne savent pas quoi regarder quand un bébé tète et comment savoir s’il obtient du lait ou non. Ils pensent que si un bébé est au sein et fait des mouvements de succion, il obtient du lait. Donc ils supposent qu’il n’y a pas d’apport nutritif dans le lait maternel après un an ou une période de temps arbitraire après la naissance. Mais ce n’est pas le cas.

Dans la première vidéo, le bébé obtient beaucoup de lait. Il est possible de le savoir grâce à la pause que fait son menton quand il ouvre sa bouche au maximum. Chaque mouvement de succion est une ouverture-pause-fermeture. Cette pause signifie ‘Je viens juste d’obtenir une bouche pleine de lait’. La plus longue est la pause, le plus de lait il reçoit.

Dans cette deuxième vidéo, bien que le bébé est au sein et tète, le bébé n’obtient quasiment pas de lait. Le menton ne fait pas de pause.

Dans certains cas, le bébé passe de longue périodes au sein, n’obtient pas assez de lait, ne prend pas de poids, perd même parfois du poids, et pourtant, il refuse de manger des solides.

Comment est-ce possible ? comment un bébé qui n’obtient pas assez de lait de manière évidente pour pouvoir grossir ou qui perd du poids de manière évidente, pourquoi refuse-t-il de manger des solides ? Les gens qui ont faim, cela comprend les bébés, dévorent la nourriture.

Je crois que la production de lait maternel a baissé au point que ces bébés sont, en fait, à un régime peu calorique. Ce n’est pas qu’il n’y a rien dans le lait maternel : c’est que le bébé n’obtient pas de lait, au moins pas beaucoup de celui-ci. Donc ils développent ketos, une situation dans laquelle plusieurs régimes brûleurs de graisses tentent de mettre la personne qui souhaite perdre du poids. En mangeant peu, on développe des cétones dans le sang, et on ne ressent plus la faim.

Pourquoi les bébés restent au sein pendant de longues périodes s’ils sont cétoniques ? parce qu’allaiter est plus que des nutriments et des calories. Allaiter apporte au bébé de la sécurité, du confort, et oui, de l’amour. Donc ils restent au sein, et tètent et tètent et n’obtiennent pas de nutriments, mais ils obtiennent du confort.

La plupart des pédiatres diront à la mère qu’elle doit arrêter d’allaiter et que le bébé commencera alors à manger, ce n’est pas forcément vrai. Oui, certains le feront, mais pas tous, donc c’est dangereux car certains vont se déshydrater. Ils seront même peut-être hospitalisés pour recevoir des nutriments par intubation et ensuite ils commenceront à manger des solides une fois qu’ils auront obtenu suffisamment de calories. Mais un hôpital n’est pas vraiment un endroit sûr pour un bébé ou bambin mal nourri. Et cette approche a comme conséquence le sevrage et c’est un prix cher à payer. Et il n’est pas nécessaire d’hospitaliser l’enfant ou de sevrer.

Qu’est-ce qui peut être fait pour augmenter la quantité de lait que le bébé obtient au sein ? quand ils reçoivent plus de lait, la cétose diminue, disparaît et ils ressentent la faim et commencent à manger tout en continuant à téter. C’est la meilleure solution. On utilise fréquemment de la dompéridone dans cette situation et ça marche. La production de lait augmente, le bébé obtient plus de lait, la cétose disparaît, et le bébé commence à manger des solides et continue à téter.

Il est bon de rappeler que même si tout se passe bien avec l’allaitement, les docteurs diront fréquemment aux mères d’arrêter l’allaitement parce qu’ « il n’y a plus de bénéfices pour le bébé ». Cela en dit long sur la compréhension de l’allaitement par ces docteurs en général mais aussi de l’allaitement d’un bambin.

(J’ajoute que pour une situation de baisse de lactation on revoit la conduite de l’allaitement, la présence d’une tétine, une contraception hormonale, des freins, la succion du bébé, un blocage articulaire/vertébrale… )

 

 

 

 

 

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