Continuer l’allaitement pendant la grossesse

Remarque : Il ne sera pas question d’allaiter pendant la grossesse, mais de maintenir une forme d’allaitement pendant celle-ci, et il est important de faire la distinction entre les deux. Idéalement, on ne planifie pas d’allaiter pendant une grossesse, du fait d’une baisse de lait notable, mais plutôt on envisage de continuer l’allaitement de bébé ou bambin de plus d’un an pour accompagner ses besoins lorsqu’on apprend la venue d’une petite sœur ou d’un petit frère. De plus, le bébé peut décider à n’importe quel moment de se sevrer, indépendamment de la volonté de sa mère. L’allaitement peut parfois être maintenu et devenir du co-allaitement.

Groupe avec des ressources, informations soutien sur l’allaitement ‘Allaiter en maternant’ https://www.facebook.com/groups/122414898390553

Les mères humaines qui allaitent ont souvent une baisse de la libido pendant l’allaitement et une baisse de la fertilité pendant une période de quelques mois, même si cela peut varier d’une femme à l’autre. Si l’on ne souhaite pas tomber enceinte rapidement, il est important d’envisager une méthode de contraception après la naissance, qui soit compatible avec l’allaitement donc sans hormones.

Dans la société actuelle, avec la reprise d’une activité sexuelle, du travail, du mode de vie pré accouchement augmentent les chances de la mère de retomber enceinte lorsqu’elle allaite.  Qu’en est-il alors de continuer à allaiter lorsqu’on est enceinte ?  

Une nouvelle grossesse peut permettre de maintenir l’allaitement chez un bambin mais elle a souvent tendance à créer un désir de sevrage pour la mère, voir une nécessité pour le bébé de se sevrer s’il est trop petit et n’obtient pas assez de lait.

 

I Mythes et risques 

  1. mythes
  2. risque d’accouchement prématuré ?

II situations particulières

III Conséquences de la grossesse sur l’allaitement

  1. Baisse et changement de composition du lait
  2. a) Progestérone et prolactine
  3. b) Complémenter le bébé de moins d’un an en lait adapté
  4. c) collations et boires supplémentaires pour le bébé de plus de 1 an
  5. changement de composition et de goût du lait
  6. Sensibilités des mamelons et aversion
  7. contractions de Braxton Hicks
  8. Le ventre et positions pour téter
  9. Santé de la mère et besoin de repos, eau et nutriments
  10. Le sevrage

IV Les ressentis

1) du bébé 

2) de la mère 

V Bénéfices

VI Témoignage

 

 

 

 

I Mythes et risques 

 

  1. a) mythes

Dans de nombreuses cultures, l’allaitement pendant la grossesse est perçu comme néfaste et on pousse la mère à sevrer. On pense que l’allaitement pose un risque pour le fœtus et sa santé, que le lait est mauvais pour le bébé qui tète, et qu’il va consommer tout le lait et ne plus rien laisser pour le bébé à naître. Ce sont des mythes , car les situations où le sevrage est nécessaire sont rares, le lait ne pose aucun problème pour le bébé, simplement la baisse et le changement de goût peuvent causer un sevrage, et le colostrum une diarrhée puisqu’il est laxatif.

 

  1. b) risque d’accouchement prématuré

Il y a actuellement aucune étude permettant d’affirmer que l’allaitement puisse causer une fausse couche dans le cadre d’une grossesse qui se déroule normalement, et d’autre part, les études montrent que le corps secrète moins d’ocytocine lors des tétées pendant la grossesse que sans grossesse, donc il y a une forme de protection physiologique, puisque c’est l‘ocytocine qui déclenche les contractions. De plus les molécules liées aux hormones ne passent pas dans le lait maternel, donc cela ne pose aucun risque pour la santé du bébé.

 

« L’ocytocine est une hormone sécrétée durant les tétées qui cause des contractions utérines, en général trop légères pour être remarquées. Ce fait a suscité de l’inquiétude car on suppose que l’allaitement pourrait contribuer à un travail prématuré lors d’une grossesse sans complication., L’utérus est au début plutôt insensible à l’ocytocine, et la rumeur a été lancée, que cette sensibilité augmente à la moitié de la grossesse. La recherche ne valide pas cette hypothèse. En fait, la seule augmentation marquée arrive après la 37e semaine- avec très peu voire rien du tout avant ça. » (2003) Tandem Nursing, Hilary Flower

 

II Situations particulières

 

Il arrive dans de rares situations de grossesse à risque et d’utérus contractile qu’il soit demandé à la mère de sevrer car la succion pourrait hypothétiquement déclencher un travail prématuré, mais ce sont des situations exceptionnelles où la mère est généralement alitée et doit également s’abstenir de rapports sexuels car l’orgasme provoquerait le même type de contractions.

De même ces recommandations semblent s’appliquer à la mère sous nourrie, ou lors de grossesses multiples, en l’absence de recul sur les risques encourus.

 

III Conséquences d’une grossesse sur l’allaitement : quand l’allaitement se poursuit

  1. Baisse de lait

a) Progestérone et prolactine

Dans 70% des cas, la production de lait diminuerait chez la mère allaitante et enceinte.

Le taux de progestérone augmentant en cours de grossesse, celui-ci ferait baisser la prolactine, et inhiberait partiellement ou complètement la production de lait.

En effet, une baisse peut parfois être notée dès le premier mois, elle est généralement progressive, et souvent des tétées à sec avec plus du tout de lait maternel sont notées en milieu de grossesse. Lors du troisième trimestre, le lait mature qui s’est amenuisé sera remplacé par du colostrum, produit en petite quantité.

Il arrive qu’une mère arrive à maintenir une production quelque peu semblable, mais c’est extrêmement rare. Des tétées supplémentaires, galactogènes ou autre n’auront pas d’effet positif sur la production de lait puisque la baisse est hormonale. On appelle cette phase involution et elle correspond aussi à un changement de l’aspect des seins, qui redeviennent souvent plus petits, alors que la quantité d’alvéoles diminue.

Une hypothèse sur les causes de cette baisse, «  L’augmentation de la  progestérone pendant la grossesse rend les alvéoles perméables et fuyantes, elles ne conservent plus le lait correctement. » (Flower, 2003 citant Nguyen and Neville, Tight junction regulation in the mammary gland 1998)

 

  1. b) Complémenter le bébé de moins d’un an en lait adapté

 

Les mamans qui souhaitent des naissances rapprochées doivent être informées que cela signifie sevrer et/ou complémenter leur aîné s’il est dans sa première année de vie car pendant la deuxième grossesse, la production de lait sera freinée par la progestérone et elle ne pourra subvenir au besoin en lait maternel d’un bébé de moins d’un an.

 

Il faudra donc complémenter le bébé de moins d’un an pour qu’il ait les apports de lait nécessaires à sa croissance et bonne santé (via le partage de lait humain ou  le lait artificiel), ou bien passer à une alimentation exclusive de compléments puisque la production peut entièrement disparaître. Il faudra pour cela suivre de près sa prise de poids et son état de santé général.

 

Rappel : un bébé reçoit en moyenne entre 700 et 900ml de lait maternel par jour de ses 1 mois à ses 1 an, et cela de manière assez constante, même si une baisse graduelle peut arriver autour des 9 mois, si le bébé consomme des solides de manière conséquente. Ce n’est pas le cas de tous les bébés, la diversification restant de la découverte jusqu’à un an.

 

  1. c) collations et boires supplémentaires pour le bébé de plus de 1 an

Seulement un bambin n’aura pas besoin d’être complémenté en lait, puis qu’il suffira d’augmenter les collations et pris d’eau. Lui proposer donc des collations et boires autant le jour qu’en milieu de nuit permettra de compenser.  Rappelons-nous que Le lait maternel est très calorique, et les tétées nocturnes très nourrissantes.

Il pourra être judicieux d’expliquer au bébé que même en tétant en permanence la production n’augmentera pas davantage. Instinctivement, si baisse, le bébé/bambin tentera de compenser et relancer la production de lait en tétant constamment, sans résultat.

 

  1. Changement de composition et de goût

Une étude s’est intéressée à la composition du lait lors du sevrage et d’une nouvelle grossesse. Dans les deux cas, on observe les mêmes changements au niveau de la composition. Plus de sodium et de protéines, mais de glucose, lactose, potassium. Cela peut expliquer un changement du goût du lait qui est alors plus salé.

De plus lors du troisième trimestre de la grossesse, le lait est remplacé par du colostrum. Si la production s’était tarie auparavant, cela peut motiver le bébé à téter, mais aussi le détourner complètement du sein à cause du goût particulier si sa mère avait jusque-là maintenu une production conséquente. C’est un moment charnière pour les bébés qui ont tété jusque-là. Certains se sèvrent à ce moment précis. Le colostrum téter n’est pas épuisé car il n’est pas stocké. Il est moins riche en lactose et en gras, et davantage en protéines immunisantes. Il peut être intéressant de noter qu’il a un effet laxatif, et que donc le bébé allaité peut avoir des selles liquides.

 

  1. Sensibilité des mamelons et aversion

Pour des raisons hormonales, la mère peut aussi ressentir des douleurs aux mamelons ou sensations désagréables, et une aversion de l’allaitement.

Les tétées la rendent nerveuse, agressive envers on enfant. Elle a envie de le saisir et de le jeter loin d’elle, de le détacher du sein. Ces sensations peuvent augmenter le soir, la nuit, dans les moments où elle se sent particulièrement fatiguée.

En dehors de l’aversion, on peut également avoir la sensation que notre corps nous appartient plus, et cela peut être difficile moralement.

C’est particulièrement vrai lors des tétées ‘à sec’ lorsque la baisse se fait ressentir.

Il peut également difficile de pour trouver des positions confortables pour allaiter.

 

Voici quelques astuces pour les douleurs et l’aversion:

Anticiper : Savoir à quel moment c’est le plus fort, pour comprendre pourquoi, penser à proposer des compléments ou de l’eau et des collations si c’est un bambin (y compris au milieu de la nuit) pour compenser la baisse de lait et remplacer des tétées nutritives, et lui expliquer qu’il n’arrivera peut-être pas à satiété en restant au sein de maman. Cela le fera téter moins souvent.

Pendant la tétée : essayer différentes positions, corriger la prise du sein, dans certaines positions ça peut aller mieux. Trouver une distraction, penser à autre chose, mettre de la musique, compter jusqu’à 90 en respirant et se dire qu’après 90 l’émotion peut partir, utiliser le point d’acuponcture G14, lui demander doucement d’arrêter, proposer un câlin à la place, jeu, activité, déterminer une durée avec l’enfant, le laisser choisir (minuteur).

Prendre soin de soi : Une activité physique par jour, un moment de détente, bien manger, bien boire, pas de caféine, complémentation en b12, magnésium, vit d. Ça aide le corps et la tête à éviter ce genre de sensation. Ainsi qu’en parler, avoir du soutien du conjoint.

Un article détaillé sur l’aversion ou agitation pendant la grossesse.

 

  1. contractions de Braxton Hicks

Il arrive que les tétées déclenchent des contractions dites de Braxton Hicks qui ne sont pas celles d’un vrai travail. Elles peuvent cependant être douloureuses et inquiéter la mère. Il est recommandé de toujours consulter.

 

  1. Le ventre et positions pour téter

Plus la grossesse avance, plus le ventre de la maman devient imposant et cela peut être un véritable défi que de trouver des nouvelles positions confortables.

 

  1. Santé de la mère et besoins en eaux et nutriments

Il suffit généralement d’écouter son corps, suivre sa faim, et sa soif puisque le corps de la mère est biologiquement préparé a stocké les graisses nécessaires à la grossesse et à l’allaitement, et que son fonctionnement met en place des systèmes compensatoires y compris si les nutriments sont absents du régime alimentaire  . Il n’est pas nécessaire d’augmenter considérablement son alimentation mais dans une moindre mesure. D’après les sources scientifiques de Hillary flower, une femme aurait besoin de 1900 calories par jour en moyenne, auxquelles s’ajoutent 340 à 450 calories lors du deuxième trimestre de grossesse (l’équivalent d’une collation), qu’un allaitement partiel (bébé diversifié) l’augmente de 500 et qu’un allaitement exclusif l’augmenterait de  650. (Source : Adventures in Tandem Nursing).

Il est aussi question de prendre en compte les besoins en vitamine C, folate, vitamine B6, sélénium, iodine, Fer, Zinc, Calcium, vitamine B12, omega 3 qui augmentent.

  

  1. Sevrage ?

Claude Suzanne DidierJean Jouveau parle d’un taux de 65% de sevrage dans son livre ‘Allaiter longtemps’. Il est en effet difficile d’anticiper quelles seront les conséquences de la nouvelle grossesse. Chaque dyade vivra cette grossesse différemment, et seul le bébé décidera de s’il se sèvrera ou non. Mais plus souvent, le sevrage serait initier par la mère, en raison des douleurs et des représentations sociales.

 

 

IV Les ressentis de l’aîné et de la mère

 

1) Les ressentis du bébé 

Lors du début de la grossesse ou au cours de celle-ci, le bébé perçoit des changements importants chez sa mère. Il peut en être perturbé et augmenter la fréquence des tétées, la ‘coller’ davantage. Ou bien, s’adaptant à cette nouvelle situation à l’opposé décider de se sevrer et de prendre un peu d’indépendance. De plus il est souvent noter une frustration face au changement du débit de lait, voire un dégout pour celui-ci. Mais encore une fois, ce n’est pas une règle. Il est important d’accompagner les ressentis du bébé.

 

2) de la mère :

La mère traverse une période particulière, peut se sentir agressée par les contacts physiques, avoir de la douleur et de la frustration. Il est important d’écouter son corps, et de savoir s’arrêter à ses propres limites. L’aversion ou l’agitation pendant l’allaitement, les douleurs, des nausées, peuvent pousser la mère à sevrer. Dans ce cas, expliquer son choix à son bébé, et compenser les tétées par des moments d’échanges et d’amour afin de trouver une nouvelle manière de s’aimer.

 

 

V Bénéfices à continuer l’allaitement pendant la grossesse

 

Maintenir l’allaitement pendant la grossesse si elle se déroule dans de bonnes conditions présente des bénéfices pour les deux enfants. Cela permet de :

  • Soutenir une bonne production de lait pour l’enfant à naître, en particulier si circonstances difficiles de naissance ou bébé qui a des difficultés de succion, des freins serrés, est épuisé et ne parvient pas à lancer la production.
  • Combler les besoins nutritifs du bébé allaité qui sont toujours aussi importants
  • Continuer à fournir un aliment qui est une protection immunitaire
  • Combler des besoins affectifs et de contacts physiques de l’aîné, le materner
  • Donner à la mère la satisfaction de maintenir cette relation
  • Maintien du lien mère-bébé dans une période de changement important

 

VI Témoignage

‘Je suis actuellement enceinte de 23SA et j’allaite ma fille à la demande, elle a 21 mois.
Dès le début les tétées ont été désagréables mais j’ai toujours serré les dents car elle a toujours eu besoin de beaucoup téter. On est à environ 10-15 fois par 24h. Les tétées du couché et la nuit étaient les plus difficiles pour moi, il m’arrivait de pleurer… de vouloir tout arrêter. Mais je tiens bon pour ma fille. Elle a pratiquement arrêté de téter la nuit au milieu du premier trimestre car je n’avais plus de lait.
Je commence à avoir à nouveau du colostrum, elle n’a jamais fait de réflexions au sujet du goût (bien qu’elle ne parle pas, elle est très expressive). Je constate que lorsque je suis très  fatiguée les tétées sont particulièrement difficiles d’autant plus qu’elle « triture » mon autre sein c’est vraiment très désagréable. Je n’ai jamais réussi à négocier des tétées. Lorsqu’elle en a envie si elle ne l’a pas, elle pleure même si je propose de l’eau ou à manger ou un jeu ou un livre.
Je n’appréhende pas le co-allaitement, il lui arrive souvent de m’amener son bébé pour qu’il prenne le sein en même temps qu’elle.
Voilà, ce n‘est vraiment pas facile tous les jours, mais ma fille n’a pas demandé à ce que je sois enceinte donc je continue pour son besoin de câlins, de succion, d’apaisement.’

 

 

 

Et ensuite ? Co-allaiter ?  

 

 

Sources

Adventures in tandem nursing : breastfeeding during pregnancy and beyond de Hilary Flower

https://kellymom.com/pregnancy/bf-preg/bfpregnancy_safety/#uterus

https://kellymom.com/tandem-faq/02miscarriage/

https://kellymom.com/tandem-faq/01safety/

https://kellymom.com/tandem-faq/16milkchanges/

https://balancedbreastfeeding.com/nursing-through-pregnancy/

http://www.nancymohrbacher.com/articles/2012/11/27/how-much-milk-should-you-expect-to-pump.html

 

Étude concernant le changement de composition du lait en cours de grossesse

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6466209?dopt=Abstract

 

Composition et quantité de lait à la naissance du deuxième enfant

Une étude sur 133 mères péruviennes semble démontrer que la composition du lait maternel, en particulier le colostrum, juste après l’accouchement est légèrement modifiée en cas d’allaitement pendant la grossesse. Le colostrum comporterait moins de facteurs immunologiques et lactoferrine, moins de protéines et plus de lactose et lysozyme. Les chercheurs ont noté que la baisse de facteurs immunitaires n’était cependant pas liée à l’allaitement. On peut supposer que cette baisse est liée à l’état de santé de la mère. De plus il semblerait que le deuxième enfant prenne moins de lait. Ces données intéressantes sont des facteurs à prendre en compte et demandent davantage d’études pour savoir à quel point l’allaitement du premier enfant pendant la grossesse affecte la composition du lait.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2798150/

http://pediatrics.aappublications.org/content/109/4/e56.short

 

 

 

 

 

 

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