‘Il vaut mieux un bon biberon qu’un mauvais allaitement’

 

Cette phrase et toutes ses variantes est insupportable et insensée.

Insupportable parce qu’elle installe l’idée d’échec sans même avoir offert le soutien nécessaire à un allaitement serein. Un allaitement peut être un combat, mais il ne devrait en aucun cas l’être. Les deux principales raisons pour lesquelles l’allaitement peut être un combat sont :

  • la perte de la culture de l’allaitement
  • l’absence de soutien, d’aide, et de connaissances de l’allaitement des professionnels de la santé alors que ceux-ci mêmes n’hésiteront pas une seconde à recommander un type de lait artificiel et des biberons pour complémenter, que l’allaitement se passe bien ou mal.

Les mères se retrouvent dans des têtes à tête avec des professionnels les uns plus incompétents que les autres, et un entourage qui ne sait comment les aider, ou bien qui est réfractaire à l’allaitement.  Elles peuvent se retrouver entourées de personnes et professionnels qui croient pas en elles, en leurs ressources, en leur détermination, en leur allaitement et en leur bébé. Ils ne sont pas capables d’aider et estiment la mère incapable d’allaiter, le bébé incapable de téter.

Insensée parce qu’un bon biberon ça n’existe pas (ici sous-entendu le lait artificiel, le tire-allaitement est une forme d’allaitement). Tout simplement parce que seul le lait maternel est adapté aux besoins du bébé de par sa composition extrêmement riche et fluctuante en fonction du besoin de l’enfant. Il n’y a pas de mauvais allaitement. Une mère qui allaite donne du lait maternel qui est l’aliment le plus adapté au bébé, et de l’amour par le contact. Il y a uniquement des mauvaises conditions d’allaitement.

 

Pourquoi ?

Parce que les lobbies ont travaillé de manière ardente à détruire les conditions qui seraient favorables à l’allaitement : des personnes informées, des professionnels formés, une culture de l’allaitement qui le normaliserait, et des représentations positives de celui-ci. Il faut que le lait artificiel soit nécessaire pour pouvoir le vendre et en tirer profit.

 

 

I La désinformation

II Les corporations

III Le code – Déclaration Innocenti

IV Le coût de l’allaitement en sept points

 

 

I La désinformation

Les corporations et le marketing ont détruit la culture de l’allaitement en faisant de la désinformation :

  • Le lait artificiel serait l’équivalent du lait maternel. C’est tout simplement faux. LE lait maternel est inégalable dans sa composition. Le lait artificiel en reste une pâle copie qui ne devrait être utilisé que dans des situations d’urgences. Comme le sociologue James Akré le dit, l’utilisation du lait artificiel est l’expérience à la plus grande échelle qui soit dont nous ne sommes pas encore capables de constater les effets à longs terme (ici un article sur la composition du lait maternel )
  • Ne pas allaiter libère la femme : ce qui libère la femme, c’est de pouvoir faire un choix éclairé, si on lui enlève l’information et essaie de la façonner à ce que l’on considère comme moderne, la femme n’est pas ‘libérée’ mais encore bien soumise aux normes du patriarcat et de la société qui décide de ce qui est bon pour elle (ou non). Donner du lait artificiel la rend dépendante de l’industrie, dominée par les hommes et suppose un coût financier, l’incapacité à nourrir son bébé en cas de catastrophe. Elle perd donc un pouvoir bien plus important que ce que l’on peut imaginer et un savoir.
  • Allaiter est pénible et désagréable. Avec du soutien et de l’aide, des professionnels formés, cela ne l’est pas. Mais si les lobbies ont travaillé pour qu’il n’y ait plus de professionnels formés, plus personne qui s’y intéresse, c’est sûr que le jour où vous avez des difficultés, vous allez en bavez. Est-ce normal ? non.
  • Allaiter est dégradant. Ce qui est dégradant, c’est le lait artificiel pour la santé d’un bébé. ET de penser qu’un lien d’amour et de contact épanouissant l’est. Parce que l’allaitement réunit tout ce que la mère peut offrir de meilleur à son bébé.
  • Parler de l’allaitement, le montrer est malaisant et culpabilisant. Admettons-le, c’est surtout une perte financière, et la chose la plus belle et douce à voir.

 

Une mère qui a des difficultés à allaiter, se sent seule, isolée, doit recevoir de l’aide et du soutien. Elle doit être accompagnée, écoutée, comprise. Ce sont des conditions qui lui permettront d’allaiter en s’épanouissant, et de surmonter les difficultés.

 

Et rappelons-le, l’OMS recommande 6 mois minium d’allaitement exclusif pour garantir au bébé le meilleur départ dans la vie possible. http://lesptitesmainsdabord.fr/2018/03/allaitement-quelles-sont-les-recommandations/

 

II Les corporations

Un professionnel de la santé n’est pas un commerçant. C’est un professionnel de la santé. Il n’est pas sensé vendre des produits ou faire de la publicité, mais rendre un service. Se servir de ses connaissances pour soigner, examiner un bébé ou une mère et lui prodiguer des soins adaptés, veiller au maintien de leur bonne santé.

Les corporations fabriquant les préparations pour nourrissons travaillent depuis les années 1910 à la commercialisation du lait artificiel en tant qu’équivalent du lait maternel.
En dehors du fait qu’il n’y a pas de réel contrôle sur la qualité du produit fini et le respect des règles d’hygiène pendant la fabrication et que cela suppose donc un risque sanitaire, se pose une autre problématique.

Comment commercialiser un produit tel que le lait artificiel comme nécessaire, pour que plus de personnes en achètent et que cela soit plus rentable encore?

Le soft power et tout un travail de publicité et de marketing qui vise à :

  1. Créer la notion d’échec, du ‘pas assez de lait’, d’allaitement perdu d’avance ou invivable
  2. Présenter le produit digne de confiance – Des agents des compagnies en question venaient habillés en blouse blanche venaient dans les hôpitaux présenter le produit aux mamans. Et donc passaient pour des pros de la santé, donc fiables.
  3. Acheter des professionnels pour qu’ils en fassent eux-mêmes la publicité du produit à vendre.
  4. Créer une culture du biberon, où donner du lait artificiel est banal et normalisé.

 

 

IV Le code

Les organisations gouvernementales, réalisant les effets néfastes des politiques de marketing de ces corporations et reconnaissant la nécessité sanitaire de l’allaitementn le non allaitement mettait la vie de bébé en danger ont établi un code.

Le code ou la déclaration Innocenti sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant a été élaborée et adoptée par les participants à la réunion OMS/UNICEF sur “L’allaitement maternel dans les années 90: une initiative mondiale”, coparrainée par l’Agence pour le développement international des États-Unis et l’Agence suédoise de développement international, qui s’est tenue au Spedale Degli Inocenti, à Florence en Italie en 1990.

C’est une série de principes pour limiter ou réguler la publicité au sujet du lait maternel, éviter la désinformation au sujet du non allaitement, et réguler la promotion du lait artificiel/préparations commerciales pour nourrisson.
Chaque gouvernement est libre de l’appliquer à sa guise et selon ses critères. Ce code peine à être respecté et les industriels savent le contourner. Mais il existe.
Un exemple de ce code est l’inscription ‘le lait maternel est le seul aliment adapté à un bébé ‘, l’interdiction de faire de la publicité pour une boite de lait en représentant un bébé de moins de 6 mois, l’absence de photo d’un bébé heureux sur une boite de lait artificiel.

Oui il y a des accidents.
Oui il y a des mères qui ne peuvent pas allaiter.
Oui il y a des mères mal informées.
Oui il y a des mères qui décident de donner du lait artificiel.

Cela ne signifie pas que l’on doive accepter ce marketing agressif et désinformant.


Cela ne signifie pas qu’on a pas le droit de protester et de demander pour mieux choisir d’être mieux informée.

Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner les mères qui souhaitent allaiter et ne pas les soutenir.

 

 

IV Le coût de l’allaitement

Parler de ce que représente réellement l’allaitement dans la vie d’une mère en terme de coût aide :

  • la société à comprendre comment soutenir la mère,
  • l’entourage à être présent et soutenant,
  • la mère à prendre soin d’elle.

Cela permet alors :

  • au bébé d’être allaiter dans de bonnes conditions et à cette relation d’allaitement d’être épanouissante.
  • de mesurer les répercussions de l’inconscient collectif et de l’absence ou non de culture d’allaitement
  • de saisir les enjeux de ce qu’est allaiter aujourd’hui.

Il sera question de sept coûts :le coût physique, le coût énergétique, le coût moral, le coût relationnel, le coût familial, le coût financier et le coût social.

  1. Le coût physique

Allaiter suppose un contact et donc une relation entre le corps du bébé et de la mère intense. Des difficultés de succion, des restrictions physiques tels que freins ou positionnement peuvent occasionner des douleurs, de l’inconfort. C’est aussi le cas lors d’épisodes de candidose, engorgement, mastite, abcès. Avec un accompagnement compétent, le diagnostic et traitement adéquats, de la patience, ces situations se résorbent.

  1. Le coût énergétique

Allaiter est permanent, nuit et jour, et consomme des calories (on parle d’environ 500 calories par jour), de l’énergie, du sommeil. Le corps va produire en permanence du lait. Il a été conçu pour pouvoir le faire, et réaliser cette tâche l’inscrit dans une fonction santé et réduit le risque de développer des maladies. Cependant pour que la mère puisse soutenir ce rythme elle doit veiller à sa santé, et se nourrir et se reposer convenablement. Il est important qu’elle puisse s’appuyer sur d’autres personnes, déléguer des tâches.

  1. Le coût moral

Lorsque les conditions d’allaitement sont difficiles, par exemple du fait de douleurs, de difficultés à se mettre en place la lactation, problème de poids chez le bébé, réflexe d’éjection dysphorique, de l’aversion, des violences physiques passées la mère peut se retrouver au milieu d’un conflit moral, entre qu’elle pensait pouvoir faire, son projet d’allaitement, et les limites qu’on lui impose ou bien ses propres limites. Elle est confrontée à un dilemme qui peut parfois la conduire à une dépression. Il est important qu’elle puisse recevoir du soutien mais aussi de l’aide compétente pour améliorer les conditions de son allaitement. Elle n’a pas besoin de davantage d’adversité, mais d’écoute attentive, d’astuces, de conseils avisés.

  1. Le coût relationnel

L’arrivée d’un bébé et l’allaitement de celui-ci demande une disponibilité physique et temporelle importante. Il est fréquent aussi que les hormones de la lactation interfère avec la libido, et qu’une mère qui manque de repos et passe de nombreux moments en contact avec son bébé soit moins pressée que son conjoint de reprendre des rapports sexuels. Respecter ce temps de réajustement, réappropriation de son propre corps, et début d’un nouveau cycle de vie est fondamental, pour que la mère puisse recréer un espace dans lequel elle se sent confortable.

  1. Le coût familial

Lorsqu’il y a des aînés ou bien d’autres membres dans la famille dont la mère s’occupe habituellement, elle risque d’être moins disponible. Cela est valable aussi pour les tâches quotidiennes. Il existe des stratégies de compensation, mais la mère va dépendre essentiellement de l’aide extérieure, ou elle sera contrainte de jongler avec un équilibre fragile toutes ses responsabilités. L’aider dans ce moment crucial de l’allaitement, permet au petit bébé de recevoir l’attention et le lait dont il a besoin pour grandir.

  1. Le coût financier

Il est souvent dit que l’allaitement est gratuit. Il dispense en effet d’acheter des préparations pour nourrisson, donc il est une économie concrète mensuelle. Pourtant, il ne l’est pas. Dans la société d’aujourd’hui, il représente un coût. La décision de retourner ou non travailler, d’exercer une activité professionnelle, de prendre un mi-temps, de tirer son lait et de le conserver convenablement. Pourtant, en terme de santé pour le bébé allaiter est un gain d’argent pour la société, et pour le monde du travail à long terme. Il serait judicieux de repenser la place de l’allaitement dans le monde du travail de manière à ce que les mères puissent faire ce choix.

  1. Le coût social

Dans une société dans laquelle peu de mères allaitent, où il existe peu de structures soutenant l’allaitement, où l’allaitement au-delà de trois mois représente une minorité, il peut être aliénant. On peut se sentir seule, isolée, sans ressources et sans soutien. Il peut devenir difficile de conserver son cercle d’amis, ou bien son poste si l’on décide de prendre un congé parental pour allaiter.

 

Il est temps de reconstruire la culture de l’allaitement.

 

 Où trouver de l’aide et comment se préparer ? 

Un article desptitesmainsdabord détaillé ici

 

Liens

La déclaration innocenti http://www.innocenti15.net/declaration_french.pdf

Unicef https://www.unicef.org/french/nutrition/index_24807.html

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