Le don de lait informel : partage de lait humain

I Rappel sur le don de lait formel

II Qu’est-ce qu’est le don de lait informel ?

II Lois, risques et politiques gouvernementales

IV Recommandations de OMS et hiérarchie nutritionnelle de James Akré

V Pourquoi ce besoin de partage de lait humain?

VI Les réseaux

VII Les précautions

 

I Rappel sur le don de lait formel

Sur le site desptitesmainsdabord vous trouverez un article qui détaille les modalités du don de lait formel dont voici le principe:

“la maman contacte le lactarium qui lui demande de remplir un document et fournir un certificat médical ainsi qu’une prise de sang pour s’assurer que sa santé est compatible avec le don. Une fois la possibilité de don validée, le lactarium prête le matériel nécessaire à la maman et lui explique les procédures à suivre, pour le recueil de lait et sa conservation.” (citation de lesptitesmainsdabord)

 

II Qu’est-ce que le don de lait informel – partage de lait maternel ?

Le don de lait informel existe depuis toujours et signifie le partage de lait maternel ou de lait humain entre membres d’une même famille, amis, réseaux d’amis. Il y a des écrits qui témoignent de cette pratique dans la littérature et dans l’Histoire de grands-mères, tantes, membres de la famille, qui ont allaité des bébés qui n’était pas biologiquement les leurs.

La ‘nouveauté’ est l’utilisation des réseaux virtuels pour se faire.

 

II Lois et risques

Le don de lait formel est soumis à une réglementation précise, et la majorité des gouvernements découragent le don de lait informel, et cela en raison des risques sanitaires encourus. Ils recommandent de ne se servir que de lait humain traité par un lactarium.

En France, la loi interdit formellement la vente de lait maternel (considéré comme un fluide corporel) mais n’interdit pas le partage / don informel de manière explicite.

article L1211-4 du Code de la Santé Publique : “Aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de ses produits.”

article 16-6 du Code Civil : “Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci”.

Le don de lait informel d’après les gouvernements de différents pays exposerait à des risques sanitaires. Il n’y a en effet pas de contrôle microbiologique sérologique ou toxicologique du lait humain partagé ou donné entre individus, donc il n’est pas possible de savoir si le lait maternel contient des virus, bactéries ou résidus de médicaments, ni de savoir si le lait a été conservé selon des règles de conservation et il n’est également pas pasteurisé comme c’est le cas avec un lait dont dispose un lactarium.  De même on peut supposer que du lait adapté à un bébé de 18 mois ne le sera pas pour un nourrisson. Donc la différence d’âge est à prendre en compte.

La Leche League internationale, elle aussi, de son côté précise ne pas encourager ou recommander cette pratique car selon elle le lait maternel est destinée au bébé de cette mère précise, le lait maternel étant plus que de l’amour mais aussi de l’affection. https://www.lllfrance.org/vous-informer/actualites/1612-que-penser-du-don-de-lait-informel-entre-meres-

 

III Recommandations de l’OMS et hiérarchie nutritionnelle de James Akré

« Cela est la preuve d’une mentalité paradoxale qui fait la promotion de l’allaitement mais diabolise le don de lait informel, et témoigne du manque de confiance dans le corps des mères et de leur lait dans les sociétés occidentales » (Haussman 2011 cité par Palmquist, New Anthropological Approaches, 2018, traduction de Maman Lune)

Recommendations de l’OMS

L’Organisation Mondiale de la Santé, en accord avec ses recommandations pour l’alimentation des bébés, préconise pour ceux qui ne peuvent pas recevoir le lait de leur mère (au sein ou tiré) des options pour leur permettre de recevoir du lait maternel : le lait tiré d’une autre mère allaitant un nourrisson, le lait maternel d’une nourrice (au sein ou tiré), ou enfin le lait maternel pasteurisé provenant d’un lactarium. (référence : l’OMS Global Strategy For Infants and Young Children Feeding, 2003 , p17)

D’après Pamlquist (2018) Le partage de lait ou le don de lait informel serait en effet la preuve de l’adaptation humaine à son environnement et témoigne du fait que le lait maternel est irremplaçable au vue de ses spécificités et de sa nécessité pour le système immunitaire puisqu’il participe à la construction de la mémoire immunitaire, la colonisation et l’alimentation du microbiome intestinal.

 

Dans son livre ‘le problème avec l’allaitement : réflexion personnelle’, le sociologue James Akré présente les 4 choix possibles pour nourrir un bébé :

« faute de pouvoir donner du lait maternel directement au sein, la meilleure option est bien sûr le lait maternel donné autrement qu’au sein (lait tiré) et, à défaut, le lait humain fourni par une nourrice en bonne santé ou un lactarium. Quoi qu’en disent les fabricants, le lait industriel n’est donc pas le second choix, mais bien le quatrième, dans cette hiérarchie nutritionnelle. »

Le lait maternel tiré arrive en deuxième position car il a été démontré que le lait maternel change de composition au fur et à mesure de la journée, s’adapte aux besoins de l’enfant grâce à la salive du bébé, notamment pour apporter des anticorps spécifiques en cas de maladies chez celui-ci.

Le lait frais est supérieur au lait pasteurisé car il est source d’innombrables bactéries et de sucres spécialisées qui nourrissent les organismes présents et nécessaire au microbiote intestinal alors que le lait pasteurisé est du lait inactif et ‘mort’.

 

 

V Pourquoi ce besoin de don de lait informel et de cette coopération lactée?

Dans l’article de Palmquist (2018), l’hypothèse est que faute de soutien et de structures suffisantes pour mener à bien leur projet d’allaitement, les mères allaitantes aux Etats Unis décident pour complémenter leur bébé de recourir à l’utilisation de lait maternel à d’autres mères plutôt que d’utiliser du lait artificiel / préparation commerciale pour nourrissons.

Conscientes des recommandations de l’OMS et ne pouvant subvenir entièrement aux besoins de leur propre enfant, elles font le choix de donner du lait humain malgré tout, et ainsi d’accomplir une forme de devoir de mère ‘moral motherhood’. Dans l’article de Reyes et Carter (2018) des mères témoignent avoir trouver du réconfort en complémentant avec du lait humain provenant d’autres mères, disant qu’au moins, c’était du lait maternel, même si ce n’était pas le leur.

Une mère se demande même s’il n’est pas meilleur pour le système immunitaire de son bébé de recevoir plusieurs laits de mères différentes plutôt qu’uniquement le sien afin de recevoir davantage de bonnes bactéries intervenant dans la protection immunitaire.

De même on peut penser à des mères qui ont une hypoplasie mammaire, adoptent un enfant et dans le processus d’induction de la lactation ont besoin de complémenter, de mères incapables de tirer, d’hospitalisation ou séparation soudaines, où il n’a pas été possible de prévoir de stocks, de difficultés de mise en place ou maintien de la lactation avec des bébés qui ont des difficultés de succion, des freins.

Cela pourrait peut-être aussi motiver les structures gouvernementales et de santé à aider davantage les mères qui souhaitent allaiter et à rendre plus efficaces les systèmes de collectage de lait pour les lactariums, bien souvent en manque de lait maternel malgré des mères volontaires pour en donner.

 

V Les réseaux

  1. Human Milk 4 Human Babies : un site et des pages facebook par pays

En Octobre 2010, une activiste basée à Montréal Emma Kwasnica lance l’idée d’un réseau de partage de lait maternel. En 2011, le nom du réseau change et devient ‘Human Milk 4 Human Babies’. HM4HB est présent dans 52 pays. Il y a 130 pages facebook et plus de 20,000 membres. Il y a plus de 300 administrateurs qui travaillent bénévolement.

« La mission du réseau Human Milk 4 Human Babies France est de promouvoir la nutrition des bébés et des enfants avec du lait maternel.  Nous nous consacrons à entretenir une communauté entre les familles qui ont choisies de partager du lait maternel. »

site internet http://hm4hb.net/

Page facebook pour la France https://www.facebook.com/Hm4HbFrance/

  1. Eat on Feets – un site et une page facebook aux Etats Unis

Page fondée par Shelle Walker Luttrell, une sage-femme étatsunienne en 2010 afin de créer un réseau et des ressources pour le partage de lait.

http://www.eatsonfeets.org/https://www.facebook.com/EatsOnFeetsHome/

 

  1. Nourrice Câlins (pour le bien-être de nos bébés):

un groupe francophone https://www.facebook.com/groups/1052686958107505/ dont voici le descriptif ‘un groupe d’entraide par des nourrices pour les mères et leurs bébés , qui ne peuvent pratiquer l’allaitement pour X raison ou en urgence . Ici, le respect , ‘écoute et la communication sont de mise.’

 

IV Les précautions

Eat on Feets a rédigé 4 principes dont voici un bref résumé (version détaillée complète en anglais ici http://www.eatsonfeets.org/#fourPillars)

  1. Choix informé : comprendre la balance bénéfices/risques pour le nourrisson et le bébé, de la méthode d’alimentation et de la source du lait humain
  2. Transparence de la donneuse : bon état de santé, aucune maladie, pas de consommation d’alcool, médicaments, drogue, tabac, discussion au sujet du style de vie et des habitudes, tests pour maladies transmissibles via fluides corporels (SIDA, Syphilis, rubéole, etc), pas de pression sociale, pas de stress, maman capable de nourrir son propre bébé en premier lieu.
  3. Conditions de stockage et transport : lavage des mains qui doivent être toujours propres et de nettoyage de l’équipement, lait stocké de manière appropriée, ainsi que le transport ou l’envoi réalisé dans des conditions adéquates à la conservation du lait.
  4. Pasteurisation à la maison

– chauffer à la maison pour réduire les pathogènes infectieux possibles / chauffage long ou  flash heating.

– ou choix éclairé d’utiliser le lait non chauffé quand tous les critères sont remplis

 

Témoignage émouvant d’un don de lait informel par une mère de lait, qui a fourni 5 mois de lait maternel à un autre bébé : ici http://mamanlune.com/index.php/2017/09/26/temoignage-don-lait-informel/

 

Voici un beau sujet de réflexion, ou comme on dit en anglais, ‘food for thought !’

Des expériences à partager ?

 

 

Références

Akré, James. Le problème avec l’allaitement : Réflexion personnelle (2009)

OMS, Global Strategy For Infants and Young Children Feeding (2003) cité par Palmquist

 

Tomori and all, ‘Breastfeeding – New Anthropological Approaches’ (2018) :

  • Consuming identities – Milk sharing and the social life of passive immunities, Palmquist
  • Mothers, milk and morals : peer milk sharing as moral motherhood in Central Florida, Beatriz M. Reyes and Shannon K. Carter

 

 

This entry was posted in Allaitement. Bookmark the permalink.