Qui tète? Qui allaite? Allaiter, un processus inclusif?

Allaiter ce n’est pas juste nourrir. C’est apporter au bébé l’aliment qui lui est adapté, calqué sur ses besoins, mais aussi répondre à un besoin de contact et d’attachement, donc une forme de nourriture affective qui est fondamentale pour son développement psychique et physique.

Allaiter est un processus car en dehors de ce partage de lait entre corps, il y a tout un système mis en place, une préparation, un entourage, des perceptions, des conséquences.

Alors comment allaiter peut-il être un processus inclusif ?

 

 

I Allaiter ne fait pas de discrimination entre les bébés, téter est un principe inclusif, un réflexe archaïque

II le non-allaitement est discriminant

III L’allaitement est un processus inclusif et n’exclut pas le père ou le deuxième parent

IV Quelles raisons pour l’allaitement partagé

V quelles organisations d’allaitements atypiques?

VI Qui peut allaiter ?

VII Personnalités

Sources

Ressources

 

 

I Allaiter ne fait pas de discrimination, téter est un principe inclusif

Tout bébé doit être allaité, selon une nécessité physiologique, peu importe le genre, si c’est un garçon ou une fille, l’ethnie, l’appartenance religieuse. Allaiter n’est pas une norme sociétale (ou en tout cas ne devrait pas l’être), mais un processus lié au fait que le bébé, petit humain, est un mammifère, et que ses gènes attendent le lait maternel pour croitre et se développer au mieux. De même cela répond à un besoin affectif.

« la WABA  interprète ces dispositions générales de la Convention des droits de l’enfant, associées au fait que l’allaitement  est dans l’intérêt supérieur des enfants comme des mères comme impliquant que les enfants ont droit au lait maternel en ce sens qu’il est la seule nourriture pleinement adaptée, et que les mères et les enfants ont le droit de jouir de conditions qui facilitent l’allaitement. Les Etats parties ont l’obligation de respecter, préserver et favoriser ou instituer ce droit en supprimant les obstacles à l’allaitement et à l’alimentation complémentaire appropriée par la création pour les enfants et les parents d’environnements sociaux » (la World Alliance for Breastfeeding Action est un réseaux d’organisation et d’individus fondé en 1991 qui vise à promouvoir l’allaitement comme un droit des bébés et des mères )

Par ailleurs, la capacité à téter est un réflexe archaaïque, inscrit dans les gènes du bébé. Un bébé incapable de téter à la naissance requiert une attention médicale urgente.

 

 

II Le non allaitement est discriminant pour le bébé  

Le non allaitement est discriminant

  • du point de la santé : le lait artificiel n’est pas la meilleure option pour la santé d’un bébé, mais est en bas de la hiérarchie nutritionnelle. C’est encore plus vrai avec un enfant allergique.
  • du point de vue monétaire : en fonction des ressources de la famille, la qualité du lait artificiel ne serait pas la même
  • du point de vue de l’hygiène : en fonction du lieu de vie et de l’éducation, la manière dont sera donnée le lait peut poser des problèmes sanitaires.
  • Du point de vue affectif : le contact et les temps de corps à corps qui sont accordés aux bébés.

 

 

III On dit que l’allaitement exclut le père et les autres, d’une relation exclusive

  1. appropriation du bébé

On entend souvent qu’avec l’allaitement la mère s’approprie voire s’accapare le bébé. Or c’est une représentation inexacte.

Il faut un réseau pour allaiter. La mère n’allaite jamais seule. Le père ou le deuxième parent contribue à l’allaitement, de manière positive ou négative. Il y contribue par son soutien ou son absence de soutien, sa foi en l’importance de l’allaitement ou en son ignorance.

Est-ce qu’une mère peut allaiter sans le père ou le deuxième parent ? Sous son soutien ? Sans le soutien de qui que ce soit ? Oui elle le peut car elle a des ressources. Mais cela augmente significativement le taux d’échec.

L’allaitement a un coût énergétique pour la mère, le manque de soutien un coût moral.

Elle peut réussir mais à quel prix ? Après quelles batailles ?

Après quelle perte d’énergie supplémentaire ?

 

 2.investissement du deuxième parent

C’est le rôle du père / deuxième parent de s’investir. A lui d’investir l’allaitement en accompagnant son bébé, en donnant à la personne qui allaite les moyens, les ressources, la confiance de le faire. En étant un support technique et moral, en se renseignant. En étant présent dans les moments heureux et difficiles, les angoisses et les hésitations.

Et le père dans tout ça ? / le deuxième parent ? http://mamanlune.com/index.php/2016/09/19/et-le-pere-dans-tout-ca-2/

 

3. Qu’est-ce qu’un père allaitant / un parent allaitant ?

Un père qui soutient l’allaitement de sa compagne, en l’aidant à avoir confiance en elle.

Un transgenre qui nourrit de son lait ou du lait humain via un dal

Un père qui donne du lait humain via un dal

Un père qui nourrit de son propre lait – il a les hormones et les canaux lactifères nécessaires

Un / une compagne qui est là pour la personne qui allaitent

 

IV Quelles raisons pour l’allaitement partagé ou ‘allomaternel’ ?

Une autre personne que la mère biologique peut allaiter. En voici quelques motifs

  • La mère biologique est morte ou bien elle ne peut pas allaiter elle-même : malade, manque de lait physiologique, absente la journée pour le travail, ou doit s’absenter et se séparer de son enfant (aller au chevet d’un proche, se faire opérer etc)
  • Apprentissage au bébé à téter avec une autre femme qui allaite déjà (pratique culturelle)
  • La mère biologique ne s’occupe pas de l’enfant (enfant adopté)
  • Le partage des responsabilités et la vie en communauté

 

V Systèmes d’allaitements ‘atypiques’

Cooperative lactation : coopération lactée / organisation de partage de lait humain

Sharing milk : don de lait informel sans rétribution monétaire http://mamanlune.com/index.php/2018/03/11/le-don-de-lait-informel-partage-de-lait-humain/

Allomaternal breastfeeding /allonursing : système d’allaitement partagé (‘allo’ signifiant autre, ici autre que la mère).  L’allaitement au sein par d’autres mères que la mère biologique.

Cross-nursing / co-feeding : co allaitement / allaiter occasionnellement le bébé d’une autre maman, lors de l’allaitement de son propre enfant

Wet nursing / mise en nourrice – les nourrices ou femmes qui allaitent un bébé qui n’est pas leur propre bébé biologique contre rétribution monétaire le plus souvent.

Dry nursing – mise au sein sans allaitement pour réconforter bébé

Chestfeeding – un terme utilisé par les personnes transgenres qui sensibles à la dysphorie du genre préfèrent utiliser pour ne pas employer le terme ‘sein’, ‘chest’ signifiant ‘poitrine’

 

 

VI Qui peut allaiter ?

Il n’y a pas que la mère biologique qui est en mesure d’allaiter, ni même uniquement une mère ou une femme.

Se poser la question d l’allaitement inclusif c’est interroger ce que l’on identifie comme étant une mère, une femme, le processus d’allaiter.

Sortir de la vision normative et hétéronormative de l’allaitement qui limite nos représentations du corps, alors que téter est de l’ordre de la survie pour un bébé.

Allaiter c’est donner du lait humain et partager un contact physique au sein.

 

Voici un récapitulatif de qui peut allaiter :

– la mère biologique

– autre femme de la famille, autre femme de la tribu, une amie directement au sein

– une mère qui tire et donne son lait tiré aussi à un autre bébé

-une femme qui a eu une réduction mammaire

– Les deux mères dans les couples homosexuels

– les personnes transgenres, même après réduction mammaire

– une nourrice qui est rémunérée

– Une mère adoptive peut lancer un processus de lactation et allaiter son bébé adopté.

– les hommes

 

Les hommes peuvent allaiter

L’anthropologue Helen Marieskind parle dun chef Zulu qui a participé à l’allaitement de ses enfants avec ses plusieurs femmes. Elle a noté trois conditions nécessaires pour qu’un homme puisse allaiter : le désir d’allaiter, l’opportunité concrète d’allaiter (avoir un bébé à mettre au sein pour stimuler) et le statut culturel de l’allaitement considéré comme très important.

Dans Fresh milk : The Secret Life of Breasts (2003), Fiona Giles le dit également. Les hommes peuvent allaiter, s’ils fournissent les efforts nécessaires et le veulent vraiment. Ils ont des seins, des tétons et des canaux lactifère, et la prolactine est produite par la glande pituitaire, qui se trouve à la base du cerveau. La naissance de l’enfant, l’accompagnement hormonal envoyé par  l’utérus facilitent la production de lait chez les femmes, mais il y a des exemples de femmes (de même de d’hommes transexuelles) qui n’ont jamais accouché, mais ont réussi à allaiter leur enfants adoptés, ou ceux de quelqu’un d’autre.

« Un homme qui allaite réinvente les codes masculins comme étant fluides, nourrissants de manière affectives et nutritives, maternels. »  Sarah Walker

« On peut croire qu’on séparera bientôt les capacité biologiques de reproduction des statuts sociaux et du genre psychologiques.» Susan Stryker

 

VII Quelques personnalités

  • Un roi zulu qui aurait participé à l’allaitement de ses enfants avec ses femmes
  • Trevor McDonald – est un père allaitant canadien. Il est né femme, et a eu une réduction mammaire importante afin que son corps ressemble à l’image qu’il avait de lui-même. Il s’est ensuite marié à un homme, a cessé les traitements hormonaux pour tomber enceinte et a accouché d’un bébé. En faisant des recherches, le couple a pris conscience de l’importance de l’allaitement et a souhaité que leur bébé soit allaité. A la naissance de celui-ci, Trevor et son mari ont réuni toutes les ressources, connaissances et personnes possibles afin de mener leur projet à bien. Trevor ayant peu de canaux lactifères encore intacts, il a utilisé un dispositif d’aide à la lactation et du lait humain en provenance de l’initiative ‘human milk for human babies’ pour allaiter son fils puis sa fille, qui ont été allaités jusqu’au sevrage naturel. Cela a été un combat de tous les instants, mais les deux enfants n’ont jamais reçu de lait artificiel. Il est le premier homme transgenre à avoir été accepté comme animatrice au sein de la leche league. Il a écrit un livre au sujet de son expérience ‘Where’s the mother ?’
  • Jiang Xuaijuan – une officier de police qui suite à un tremblement de terre à jiangyou en Chine en mai 2009 a allaité 9 bébés pendant les opérations de secours. Elle avait elle-même un bébé de 6 mois. https://uk.reuters.com/article/btscenes-china-quake-promotion-dc/china-cop-promoted-for-breastfeeding-quake-babies-idUKPEK20991920080622

 

 

Téter est un acte inclusif, qui permet au bébé de s’inscrire dans son clan, l’humanité.

La personne qui allaite en fait tout autant.  Au travers de la personne qui allaite c’est toute son histoire qui allaite, un ensemble de personne, l’humanité.

 C’est à la fois un acte intime mais aussi un processus social et anthropologique, qui mélange nature et culture, et nous rapproche de ce que nous sommes.

 

 

Sources

La WABA http://waba.org.my/

Tomori and all, ‘Breastfeeding – New Anthropological Approaches’ (2018) :

  • Consuming identities – Milk sharing and the social life of passive immunities, Palmquist
  • Mothers, milk and morals : peer milk sharing as moral motherhood in Central Florida, Beatriz M. Reyes and Shannon K. Carter
  • ‘Chestfeeding as gender fluid practices’ Michelle Walks

Le guide de l’allaitement naturel, Ina May Gaskin

Where’s the mother ? Trevor McDonald

Defining our own success : breastfeeding after reduction surgery, Diana West

Le système d’allaitement partagé chez les Aka et Efé http://anthro.vancouver.wsu.edu/media/Course_files/anth-302-barry-hewlett/allomat-final-proofs-3-6-2014.pdf

Chestfeeding  https://www.rachelobrienibclc.com/blog/what-the-heck-is-chestfeeding/

 

 

Ressources

Allaiter un enfant adopté

Allaiter après une réduction mammaire :

En cas de réduction mammaire par liposuccion, il est rare que les canaux et nerfs aient été touchés, et le fait d’avoir les tétons sensibles est bon signe (connexions nerveuses intactes). Même un chirurgien ne peut pas dire combien de canaux il a coupé et combien de glandes il a enlevé. Cependant les hormones de grossesse poussent le corps à développer plus de tissus mammaires et a parfois réparer des canaux sectionnés, un processus qu’on appelle recanalisation.

 

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