Rares sont celles qui m’ont pas connu l’engorgement de la première montée de lait, les seins lourds et douloureux, les engorgements qui ont suivi avec au matin des seins prêts à exploser. Ou encore un bébé qui refuse le sein car le débit est trop fort, le mamelon trop plat ou rentré… Et parfois même des mastites, grippes du sein, lorsque un canal lactifère bouché s’associe à un état fiévreux.
Vous connaissiez des techniques pour y faire face?
Oubliez tout.
Jusqu’au début du 20e siècle, en France et en Espagne existaient d’autres approches pour régler ces problèmes. Elles étaient très efficaces mais pas infaillibles.
La source des informations qui suivent est ‘Le tétaïre du Sommail’ de Valérie Cabrol, un DEA d’ethnologie publié dans la collection Mémoire de la Montagne Languedoc Héraultais et le blog ‘la Charité Romaine’ pour lequel Valérie Cabrol a rédigé une note.
‘Autrefois, il y avait l’homme qui tétait les femmes’.
- Le tétaïre (le téteur)/ le poupaire
Dans le Tarn, le Languedoc, l’Hérault, l’Ariège et l’Aude, les femmes allaitantes jusqu’en 1930 avaient recours à des tétaïres.
Après la naissance, en cas d’engorgement, hyperlactation, canaux bouchés, mastites, abcès, décès de l’enfant, il vient téter la mère pour la soulager, aider bébé à prendre le sein ou voire même la guérir et lui sauver la vie. Au moins un cas a été rapporté où un tétaïre a sauvé la vie d’une maman gravement malade qui avait une mastite/abcès que personne n’arrivait à soigner.
Par exemple le temps que le bébé prenne assez de force et tète régulièrement le tétaire ‘pompe’ , ‘tire’ le lait en surplus.
Les tétées sont codifiées pour éviter une trop grande intimité et sont sensées être publiques, faites en présence d’autres membres de la famille. En réalité la mère se retrouve souvent seule avec le tétaïre, qui la tête debout toujours, elle debout ou allongée sur un lit. Il arrive que le tétaïre soit emmailloté pour réaliser son rôle.
Leur fonction est aussi de façonner les seins.
Ce rôle est attribué à l’idiot du village, n’a jamais été marié. Il n’est pas payé mais nourri (parfois logé le temps du ‘traitement’ ) et reçoit des vêtements lorsqu’il a fini. Ce n’est pas considéré comme étant une profession mais un service.
Les tire laits existaient pourtant mais étaient très peu efficaces
2. Teterela/teterelo / tetarello
Dans le Languedoc au 19e siècle il y avait également des femmes qui avaient cette fonction, de téter les mères pour les soulager du surplus de lait et leur façonner les seins (mamelons plats ou retractés). Ce n’était toujours pas une profession mais un service.
3. Chiens et petits cochons
Il est rapporté également qu’on faisait recours à des petits chiens ou cochons pour désengorger les femmes du surplis de lait dans ces situations. Pour ne pas blesser la jeune mères, les petits chiens étaient emmaillotés.
- Enconada
A Vallès en Catalogne, il existe des enconadora dont la fonction est l’enconament. Elle est la première à donner le sein au nourrisson et lui apprend à téter. Tant qu’il ne tète pas bien, il ne tètera pas sa mère.
- Le lait, du mauvais sang?
Selon des croyances médicales, les montées de lait post accouchement étaient considérées du mauvais sang que le nourrisson ne devait pas ingérer. Il correspondait au sang qui aurait circulé dans le corps en boucle fermée pendant 9 mois qui aurait dû être évacué lors des règles. Une partie partait par ‘en bas’, les saignements post accouchement, et une autre partie par ‘en haut’, le lait maternel. Une femme donc, ‘bouche mercenaire’ devait téter ce lait le temps qu’il devienne ‘propre’ pour le nourrisson. D’après Hippocrate, pour un bébé garçon il fallait attendre 30 jours, une fille 42. D’après Liebault , 8 jours étaient suffisants. Puis la durée se réduit à 48h ou 24h jusqu’en 1930. On considérait que le premier lait était néfaste, la preuve en étant la couleur et l’apparence du colostrum.
en voilà des traditions intéressantes ne pensez-vous pas?
lien vers le post sur le blog de la Charité Romaine :http://chariteromaine.blogspot.fr/2010/10/le-tetaire-ou-la-preparation.html
‘Le tétaïre du Sommail’ de Valérie Cabrol, DEA d’ethnologie publié dans la collection Mémoire de la Montagne Languedoc Héraultais – 1996