Traduit de l’anglais : article original de Angela Garbes ‘The More I learn About Breastmilk, the More Amazed I am’ http://www.thestranger.com/features/feature/2015/08/26/22755273/the-more-i-learn-about-breast-milk-the-more-amazed-i-am
Avant d’avoir ma fille, je n’étais pas vraiment intéressée par le lait maternel. Maintenant j’y pense même la nuit.
Vraiment pas assez de personnes connaissent les spécificités surprenantes du lait maternel: il change tous les jours en fonction de signaux produits par le bébé.
Pour produire du lait maternel, les mères font fondre le gras de leurs corps. Vous me suivez? Nous dissolvons littéralement des parties de nous-mêmes, en commençant par le gras gluteal-femoral, autrement dit nos fesses, et le transformons en liquide pour nourrir nos bébés.
Avant et après la naissance de ma fille il y a 10 mois, j’ai été inondée de conseils très directifs bien pensants, de personnels du monde de la santé, d’auteurs de livres pour les parents, de mamans bloggeuses, de journalistes et d’inconnus intrusifs, selon lesquels ‘le lait maternel est le meilleur’. Le message était clair: pour être une bonne mère, il fallait que j’allaite.
Mais allaiter est plus qu’être une bonne mère. Et le lait maternel est bien plus que de la nourriture: c’est un médicament puissant et, simultanément, un moyen puissant de communication entre les mères et leurs bébés. C’est étonnant. Et c’est normal, la recette du lait maternel est développée depuis 300 millions d’années par le corps féminin.
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Allaiter a comme conséquence de meilleures perspectives pour la santé des enfants de manière générale, et c’est pour cela que le World Health Organization et le American Academy of Pediatrics recommandent que les bébés soient allaités exclusivement au moins pendant six mois.
Ces conséquences, cependant, sont relatives: un bébé prématuré dans une unité de soin intensive ou un bébé né dans un village africain rural avec un taux élevé de maladies infectieuses et pas d’accès à de l’eau potable bénéficierait plus du lait maternel que d’un lait artificiel, appelé, Formula, plus qu’un bébé né à terme né dans un hôpital moderne de Seattle.
On nous dit aussi que l’allaitement augmente le QI des bébés et diminue le taux d’obésité infantile, en comparaison avec le lait artificiel. Je comprends que les gens soient séduits par ces idées, mais je n’ai pas prévu d’élever ma fille en lui inculquant que l’intelligence se réduit à un test, ou à mesurer que la santé et la beauté se calculent à partir d’un indice de masse corporelle.
Plus fascinant encore d’après moi sont les faits concernant le lait maternel: il contient toutes les vitamines et les nutriments qu’un bébé a besoin dans les six premiers mois de sa vie (les bébés allaités n’ont même pas besoin de boire de l’eau, le lait leur apporte toute l’hydratation nécessaire) et il a de nombreuses substances anti-germes et maladies qui protègent les bébés des problèmes de santé. Ah, aussi: les composants nutritifs et immunitaires du lait maternel changent tous les jours, en fonction des besoins spécifiques et individuels d’un bébé. Oui, vous avez bien lu, et je vais expliquer comment cela marche dans une minute. Vraiment pas assez d’information nous est apportée par les docteurs, par les consultants en lactation ou par internet au sujet des caractéristiques stupéfiantes du lait.
J’ai fait le choix d’allaiter au même moment où on m’a proposé un travail à plein temps qui consistait à écrire sur la nourriture. Tous les matins à 7h j’allaite ma fille. Au bureau, je tire deux fois par jour mon lait. Quand je rentre, j’allaite, et ensuite à 19h je l’allaite avant qu’elle s’endorme. Quelques soirs par semaine, je mange au restaurant pour le boulot.
Pendant six mois d’affilé, je me suis réveillée toutes les nuits à 3h du matin, et j’ai tiré mon lait pendant une demi heure pour maintenir ma production de lait en prenant de l’avance sur sa demande. (3h du matin est probableement l’heure la plus sombre, solitaire et tranquille de la nuit, mais j’avais le bruit rythmique et rassurant de mon tire lait jaune pâle pour me tenir compagnie.) Pendant les dix derniers mois, il n’y a pas eu une minute de ma vie ou je n’ai pas pensé, écrit, mangé, ou/et produit de la nourriture.
L’alimentation nous rappelle notre côté animal -des humains avec un besoin fondamental de se nourrir, de survivre — mais aussi qui nous sommes en tant que peuple: des individus aves des familles, des parcours, des histoires, des idiosyncracies. Tous les jours, des calories, des vitamines, et même des indices au sujet de la culture dans laquelle je vis, coulent, tombent, goutte à goutte, fuient, et jaillissent de mes seins, salissant mes habits et rendant ma peau collante. Et tous les jours, je me demande ce qu’il se trouve exactement dans cette substance miraculeuse. « On a tendance a sous estimer ce que le lait est », dit Katherine Hinde, une biologiste et Maitre de Conférences au Center for Evolution and Medicine at the School of Human Evolution & Social Change à l’Arizona State University. Elle dirige aussi le très drôle, hautement informatif blog geek ‘Mammals Suck… Milk!’ (les Mamifères tètent… du lait!)
« C’est en partie parce qu’on va au magasin et qu’il y a tout un rayon consacré à l’achat du lait qui est littéralement de la nourriture standardisée et homogénéisée. Cela nous pousse à considérer le lait maternel comme un acquis. »
Mais maintenant, des chercheurs comme Hinde — un mélange de biologistes, scientifiques du laits, microbiologistes, anthropologistes et chimistes de la nourriture — étudient le lait, et le plus ils l’examinent, plus de choses complexes apparaissent.
De manière nutritive, le lait maternel est un aliment complet et parfait, une combinaison idéale de protéines, gras, carbohydrates, nutriments. Le colostrum, le liquide doré épais qui sort d’abord du sein maternel de la mère après la naissance (ou quelque fois quelques semaines avant, comme certaines futures mamans prises de cours pourront en témoigner) est programmé pour être faible en gras mais chargé de carbohydrates et protéine, le rendant facilement et rapidement digérable pour les nouveaux nés qui en ont urgemment besoin. (il a aussi un effet laxatif qui aide le bébé a expulser son premier excrément de taille considérable, une substance effrayante, noire comme le charbon, appelée méconium.)
Le lait maternel arrivé à maturation, qui arrive en général quelques jours après l’accouchement, a 3 à 5% de gras et contient une liste impressionnante de minéraux et vitamines: sodium, potassium, calcium, magnésium, phosphore et les vitamines A, C, and E. Une longue liste d’acides gras comme le DHA (un oméga 3) et AA (un oméga 6) — tous les deux essentiels au développement du cerveau et du système nerveux.
Le principal carbohydrate dans le lait maternel est le lactose, qui apporte de grosses quantités de calories et d’énergie pour alimenter la croissance incessante des bébés. (Non, jeunes parents, vous n’hallucinez pas — votre bébé est devenu trop grand pour ses pyjamas pendant la nuit).
D’autres sucres sont également présents, incluant plus de 150 oligosaccharides (il y en a peut-être plus, les scientifiques commencent tout juste à les comprendre), des mélanges complexes de sucres unique au lait maternel. (Je répète: unique au lait maternel). Ces oligosaccharides ne peuvent pas être digérés par les nourrissons; ils existent pour nourrir les microbes qui peuplent le système digestif des bébés.
Et au sujet des microbes, il y en a énormément dans le lait maternel. Le lait humain n’est pas stérile — il est plein de vie, rempli de bonnes bactéries, comme les yaourts, les pickles et kéfirs, qui sont naturellement fermentés, et qui maintiennent un fonctionnement correct de notre appareil digestif. Donc non seulement le lait maternel contient des bactéries pour aider un bébé a digérer la nourriture, mais aussi la nourriture pour que les bactéries prospèrent. Une mère allaitante ne maintient pas juste un organisme en vie, mais en fait un millier d’entre eux.
Comme un verre de vin rouge, le lait maternel a une couleur et une apparence immanquable, mais il possède une variété de saveurs qui reflète son terroir — le corps de la mère. Et il se trouve que tout comme un superbe plat, le lait maternel a des arômes, des saveurs, des textures fort variés.
Les saveurs du lait maternel sont aussi dynamiques que le régime alimentaire d’une mère. Dans les années 70, des chercheurs de l’université de Manitoba avaient recueilli des échantillons de lait maternel de mères allaitantes et firent évaluer leur goût, l’intensité du goût sucré et la texture par un panel entraîné. Il y avait des variations parmi tous les échantillons dans toutes les catégories, en particulier dans le lait d’une femme qui avait récemment mangé de la nourriture épicée et dont l’échantillon avait été décrit par les goûteurs comme ‘épicé’ et ‘pimenté’.
Les saveurs de la nourriture avalée par les mère allaitantes — kimchi (légumes fermentés-plat coréen), carottes, menthe, roquefort- sont transmises dans le lait maternel et goûtées à leur tour par leur bébés.
Basée sur une recherche plus récente, Julie Mennella du Centre Monell Chemical Senses à Philadelphia est convaincu que ces expériences précoces apportées par l’allaitement aident les nourrissons à développer leur propre goût, ainsi qu’à augmenter leur préférence pour certaines saveurs.
« Les types et l’intensité des saveurs goûtés à travers le lait maternel est probablement unique pour chaque nourrisson et sert à identifier la culture dans laquelle l’enfant est né », écrit Mennella.
Je trouve cela excitant. Mon travail me permet d’explorer la diversité de la nourriture à Chicago, et mon corps permet à mon bébé de faire la même chose. Ma fille commença à goûter la nourriture solide à 5 mois, et depuis, pour mon plus grand plaisir, elle a englouti avec avidité des côtes de porc fumées par son grand père, des courgettes grillées venant de Local Roots Farm, des léchons et bagoong au diner Food & Sh*t pop-up à Beacon Hill, du saumon royal Neah Bay à Capitol Hill’s Marjorie, des hush puppies (balles de farine de maïs) grillées à Jackson’s Catfish Corner dans la Rainier Valley.
J’adore l’idée que même avant sa première rencontre avec la nourriture solide, ses papilles gustatives avaient déjà commencé à lui dire qu’elle fait partie d’une ville peuplée de plusieurs nations, d’une maison qui soutient les fermiers locaux, et d’une famille philippine avec un amour profond du porc et de la crevette fermentée.
Tout aussi excitant que la possibilité que le lait maternel aide ma fille à développer un appétit sain dans le futur, il y a aussi la réalité concrète que cela l’aide à avoir une vie plus saine en ce moment même, et que sans que je le sache, mon lait s’adapte déjà à ses besoins.
Les bébés allaités ont moins de rhumes et de virus. Quand ils tombent malades, ils guérissent souvent plus vite parce que le corps de la mère produit des anticorps spécifiques pour contrer l’infection que le bébé a. C’est une idée qui m’a tenu éveillé pendant des heures la nuit. Comment est-ce qu’exactement mon corps est-il capable de faire une ordonnance pour la maladie de ma fille sans faire de diagnostique?
Quand je demande à Hinde, elle s’arrête, regarde droit dans l’interface de son skype installé sur l’ordinateur et directement dans mes yeux et à travers mon âme, et dit « Si je te dis, tu ne pourras jamais ne plus le savoir. Es-tu sûre? » (réponse: ouiiiiii)
D’après Hinde, quand un bébé tète au sein de sa mère, un vide se crée. Lors de ce vide, la salive du nourrisson est aspirée à l’intérieur du sein, à l’intérieur duquel les récepteurs de la glande mammaires lisent ses signaux. Ce crachat à contrecoup ‘baby spit backwash’ comme elle le décrit avec délice, contient des informations sur le statut immunitaire de l’enfant. Si les récepteurs de la glande mammaires détectent la présence de pathogènes, ils poussent le corps de la mère à produire des anticorps pour les combattre, et ces anticorps voyagent à travers le lait maternel jusque dans le corps du bébé où ils vont s’attaquer à l’infection.
Etant un médicament, le lait maternel est aussi une conversation privée entre la mère et l’enfant. Alors que ma fille manque de mots, l’allaitement lui permet de me dire exactement ce dont elle a besoin. Les messages que nous nous envoyons sont littéralement faits de parties de nous mêmes et nous disent ce qu’il se passe dans nos vies au moment mêmes où nous les échangeons.
Même avant que les bébés aient un concept de temps, le lait maternel les aide à différencier certaines heures par rapport à d’autres, la nuit de la journée.
« Le lait est si incroyablement dynamique » dit Hinde. « Il y a des hormones dans le lait maternel, et elles reflètent les hormones dans la circulation sanguine de la mère. Celles qui aident à dormir ou à rester éveillé sont présentes dans notre lait. Et le lait de jour a une composition hormonale complètement différente du lait de nuit ».
La lait maternel informe les bébé non seulement du présent, mais aussi du passé. Revenons à la combustion du gras. Hinde explique que les mères qui sont devenues végétariennes adultes mais qui ne l’étaient pas adolescentes, et mangeaient de la viande alors, ont mis en réserve des acides gras qui sont spécifiques aux animaux. Quand elles mobilisent ce gras pour produire du lait, les bébés reçoivent ces nutriments.
« Il y a des information au sujet de toute l’étendue de votre vie dans votre lait », dit Hinde. « Le lait raconte au bébé le monde dans lequel sa mère a vécu ».
Mais encore plus loin que le monde dans lequel j’ai vécu, je suis bouleversée par l’idée que, sans mots, je raconte à ma fille des choses à propos de moi, ma vie.
Le lait maternel renvoie aussi à un futur avec des possibilités excitantes. Récemment, des chercheurs ont découvert que des cellules souches pluripotentes, des cellules souches qui ont la capacité de former n’importe laquelle des plus de 200 différents types de cellules que l’on trouve dans le corps humain, sont présentes dans le lait maternel. Le seul autre endroit où ces cellules souches ont été trouvées est dans le tissu embryonnaire.
« Il y a beaucoup de problèmes éthiques avec les cellules souches embryonnaires », dit Hinde. « Mais le lait maternel pourrait devenir une source de cellules embryonnaires qui pourraient potentiellement être transformées en n’importe quelle cellule du corps. Il y a un énorme potentiel pour la médecine régénérative ».
Et tandis que la science est encore loin de pouvoir fabriquer et faire pousser de tissus de remplacement pour les gens avec des maladies dégénératives, on peut en parler grâce au lait maternel.
« Cela ressemble a de la science fiction, mais ce sont des choses qui sont maintenant dans l’ordre du plausible », dit Hinde.
Pour atteindre ce futur, notre société devra donner une réelle valeur au lait maternel. Mais tel qu’est son statut actuel, il y a beaucoup d’obstacles économiques, culturels et politiques qui s’interposent entre la bouche d’un bébé et le sein de sa mère.
Pendant le 20ème siècle aux États Unis, le féminisme, aidé en partie par le côté confortable du lait artificiel, a permis d’amener plus de femmes dans le monde du travail. Alors que c’était une bonne chose pour l’égalité des sexes, cela a fait perdre l’intérêt pour le lait maternel, signifiant que les institutions médicales et gouvernementales s’en désintéressèrent aussi.
« Vous avez deux générations qui ont perdu le savoir culturel et le capital social de cette information », dit Hinde. « Nous sommes aujourd’hui aux prises avec l’érosion du savoir social et des réseau de soutien social qui facilitent l’allaitement et l’information sur ce qu’est le lait maternel ».
Il y a un regain dans la remise en avant/priorité de l’allaitement parce que nous sommes certains que c’est ce qu’il y a de meilleur pour les bébés, toutes les autres choses étant équivalentes.
Mais quand est-ce que tout peut être équivalent ?
J’allaite parce que je suis chanceuse, j’ai le choix et j’en suis physiquement capable. J’ai un mari qui me soutient, une mère incroyable qui garde sa petite fille 3 jours par semaines gratuitement et un lieu de travail qui me permet de me servir du droit d’allaiter tel que décrit dans le Affordable Care Act (je vous le rappelle, mamans, vous avez le droit à ces choses: un temps de pause raisonnable pour tirer votre lait pendant un an après la naissance de votre enfant à chaque fois que vous ressentez le besoin de tirer votre lait, et un endroit où le tirer, autre que les toilettes, qui doit être abrité de la vue et pas sujet à des intrusions de collègues ou du public).
Mais beaucoup de femmes n’ont littéralement pas les moyens de travailler et d’envoyer leurs enfants dans une crèche, puisqu’elles ne peuvent pas trouver un travail qui paye suffisamment pour couvrir le coup de celle-ci. Et certaines mères rencontrent de l’opposition quand elles essaient de faire respecter leur droits contenus dans le Affordable Care Act.
Il y a bien plus en jeu que la santé des nourrissons. « L’allaitement est l’une des clé des interventions sur la santé publique », dit Hinde. « Parce que nous savons que beaucoup de notre métabolisme, neurobiologie et fonctions immunes sont déterminées en grande partie par cela- et que cela a une influence tout au long de notre vie sur comment notre corps fonctionne ».
Nous savons maintenant que l’allaitement peut aider les enfants à éviter les maladies qui se manifestent plus tard dans la vie, comme le diabète de type 2 et un cholestérol élevé. On sait aussi que les Afro Américains ont 2,2 fois plus de chances que les Caucasiens de développer un diabète de type 2, alors que les Amérindiens ont 2,8 de chances de plus. Les Afro Américains et les Amérindiens ont les plus faibles taux d’allaitement parmi tous les groupes ethniques et raciaux des États-Unis.
Aujourd’hui, nous manquons de structures de soutien au niveau sociétal, institutionnel et culturel pour aider les mères atteindre leur objectifs liés à l’allaitement. Si on dit aux mères qu’il faudrait qu’elles allaitent exclusivement pendant six mois, donc on devrait leur donner — au minimum — la même durée, six mois, de congés payés. Il semble que tout ce qui est lié avec l’allaitement, qui prend facilement huit heures par jour les premiers mois, est en opposition avec un travail à plein temps.
Quelles sont les histoires racontées par nos corps qui se perdent quand nous sommes forcés à passer tous les jours séparés?
Ma fille est née sous la couverture grise de l’automne de Seattle, mais maintenant elle mange de la nourriture solide. Je l’imagine comme un bébé d’été. Elle a été obsédé par les nectarines Yakima et les cerises, de même que par les fraises Skagit et les myrtilles de début d’été. Sa première tomate — une petite belle Sweet 100 cueillie dans notre jardin — était encore chaude des rayons de soleil quand elle l’a croquée, faisant giclé les pépins et le jus sur ses habits et son visage. Elle semble aimer le gout des prunes italiennes que notre voisin John nous laisse cueillir sur son arbre, violettes comme des bleus, encore plus que je les aime moi.
L’allaitement est une relation intense, mais finalement une qui ne dure qu’un court lapse de temps. Plus ma fille mange, moins elle tète. On lui a proposé du lait de vache la semaine passée, et elle semble à peine faire la différence.
Le weekend dernier, pourtant, elle a eu une fièvre de 40° degré. Elle était mal, incapable de dormir et désintéressée par le fait de manger, même les mûres adorées que nous ramassons sur les branchages à quelques pâtés de maison de chez nous. Elle a tété à la place.
Alors que je la tenais contre moi, son corps fier et fragile, j’essayais d’imaginer sa salive entrant mon corps, mes glandes mammaires l’interprétant, mon corps produisant le médicament, ma poitrine donnant une défense contre ce contre lequel elle se battait. Et bien que je comprenais ce qu’il se passait, je ne ressentais pas quelque chose de différent, juste la même chatouille douce et familière de sa langue contre mon téton.
Depuis le moment où ma fille est sortie de mon corps, j’ai compris qu’être mère serait un long processus de séparation, de lâcher prise. Mais dans ce moment là, je me rapprochais d’elle. Je me penchais en avant, comme si j’allais entendre son corps murmurer quelque chose au mien.